Climat : dialogue de sourd à propos des dépenses énergétiques de l'industrie

Climat : dialogue de sourd à propos des dépenses énergétiques de l'industrie

05.04.2019

HSE

Les industriels ont profité de leur audition à l’Assemblée nationale jeudi 28 mars pour réclamer une pause fiscale. Il faut au contraire aider les entreprises à aller plus vite vers l’efficacité, rétorquent les partisans de la transition écologique. Deux positions qu’il faut désormais concilier.

Les jours se suivent et ne se ressemblent pas pour la mission d’information sur les freins à la transition énergétique. L’Assemblée nationale accueillait le 21 mars 2019 des spécialistes de la chaleur renouvelable venus leur demander une relance de la fiscalité carbone pour donner le coup de grâce au monde fossile. Une semaine plus tard, l’Uniden, union des industries utilisatrices d’énergie, a prêché l’exact contraire.  

Représentant une cinquantaine d’entreprises mais 70 % de l’énergie consommée en France par le secteur, l’Uniden estime par la voix du président de sa commission électricité, Gildas Barreyre, que même d’un strict point de vue climatique, l’urgence n’est pas de renchérir des activités qui au fil du temps ont quitté le territoire français. “On ne développera pas les solutions bas-carbone sur un désert industriel”, déclare-t-il, évaluant qu’entre 1995 et 2015, “les émissions de CO2 de la France ont baissé d’environ 20 % alors que l’empreinte carbone a augmenté de 11 %. Finalement, tous les efforts déployés dans la transition écologique ont conduit chaque Français à émettre plus de CO2 du fait de sa consommation de produits importés”

Les solutions sont là 

Mettre les délocalisations et le recours massif aux importations sur le dos des efforts demandés aux industriels pour réduire leurs dépenses énergétiques est sans doute un peu rapide. Et pour David Marchal, directeur adjoint de l’Ademe (agence nationale de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), on doit au contraire faire le lien entre les performances énergétique et économique. “Le secteur peut faire 20 % d’efficacité énergétique en plus d’ici 2035”, calcule-t-il.  

Si les entreprises demandent qu’on les aide à innover pour atteindre la cible, la plupart des solutions seraient pourtant “matures et organisationnelles”. L’innovation ne concernerait qu’un quart du chemin à accomplir.  

Illustration : environ 50 TWh de chaleur fatale à plus de 100°C sont disponibles, dont une douzaine à proximité d’un réseau de chaleur. “On pourrait imaginer d’accompagner ou d’obliger tous les sites ICPE fortement consommateurs à faire une étude de valorisation de cette chaleur fatale”, propose David Marchal. 

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Des aides inadaptées ? 

Pas si simple, conteste Édouard Oberthur, responsable des contrats long terme d’ArcelorMittal : “On a fait énormément. Les nouveaux projets sont de plus en plus difficiles à trouver et à financer compte tenu de leur faible profitabilité”. La spécificité des process industriels rend par ailleurs difficile l’accès aux mécanismes de soutien. “Les turbines qui fabriquent de l’électricité sur les hauts-fourneaux ne rentrent pas ni dans le fonds chaleur, ni dans les mécanismes de certificats d’économie d’énergie”, témoigne-t-il.  

Là encore, gare à ne pas grossir le trait. Les plans de performance énergétique que les électro-intensifs ont dû présenter pour bénéficier d’exonérations fiscales révèlent par exemple que les industriels prévoient dans les cinq prochaines années de lancer “des actions dont on pensait qu’elles étaient déjà mises en œuvre”, décrit David Marchal. 

L’exemple Roussillon 

Le représentant de l’Ademe regrette au passage que les industriels se voient octroyer des réductions de taxes sans contrepartie. “C’est important pour favoriser la compétitivité, mais à moyen terme, il faudrait accompagner ces baisses par des politiques qui orientent les investissements vers la transition”, insiste-t-il.  

Alors que la facture énergétique représente une part croissante de la valeur ajoutée, l’enjeu premier doit être sa maîtrise. Spécialiste de l’industrie chez Négawatt, Emmanuel Rauzier ne veut pas lui non plus que l’on confonde sobriété et austérité. Il invite chaque entreprise à s’interroger sur le service énergétique dont elle a besoin avant de se pencher sur les équipements et sur les combustibles.  

En Isère, la plateforme chimique de Roussillon montre l’une des voies possibles : créer un opérateur énergétique indépendant qui a pour seul objectif de fournir de la chaleur, de la vapeur ou de l’électricité en verdissant son mix au fil du temps. 

Relocalisation 

Pour les partisans d’une transition ambitieuse, l’ambition écologique n’est pas synonyme de désindustrialisation. “Une agriculture raisonnée signifierait une baisse des engrais azotés aujourd’hui trop répandus et qui épuisent les sols, avec des conséquences sur la consommation d’ammoniac. Or sa production est très déficitaire en France, illustre Emmanuel Rauzier. On peut envisager une baisse de la consommation qui n’impacterait pas l’industrie française, mais les importations”.  

De fait, la stratégie nationale bas-carbone ou les scénarios de Négawatt prévoient un phénomène de relocalisation. Pour mettre tout le monde d’accord, reste à trouver un moyen de convaincre le consommateur de retrouver le goût du local. 

Olivier Descamps
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